Festival international du film fantastique de Menton
9e Fantasy Film Festival
du 23 octobre au 26 octobre 2025 à Menton
Blanche-Neige et les Sept Nains :
Le triomphe fondateur de Walt Disney
Blanche-Neige et les Sept Nains : Le triomphe fondateur de Walt Disney
Par Kisma Ba
Nous sommes le 21 décembre 1937 au Carthay Circle Theater de Los Angeles.
Le film Blanche Neige et les Sept Nains est finalement diffusé devant tout le gratin d’Hollywood.
Si la légende veut que la copie finale ne soit parvenue au cinéma seulement quelques minutes avant la projection, le film est un triomphe qui reçoit une standing ovation de plusieurs minutes.
Beaucoup ont essayé d’expliquer les raisons d’un tel succès. Les arguments avancés était le plus souvent la prouesse technologique, le contexte historique ou la narration.
Il apparaît bien souvent qu’un succès n’est jamais prévu, c’est plutôt le fruit d’une expérimentation comme le démontre le contexte de la sortie du film à travers le monde.
La fabrique du succès
En 1938, Blanche Neige et les Sept Nains, réalisé par David Hand, devient le plus gros succès du box-office américain.
Il le reste jusqu’à la sortie d’Autant en emporte le vent de Victor Fleming l’année suivante.
Le film est alors doté d’un budget de près de 1,48 millions de dollars, du jamais vu dans une production animée à cette époque.
Il ne rapporte pas moins de 8 millions de dollars ne serait-ce qu’avec sa première diffusion.
Pour justifier la réponse enthousiaste du public face au film, Walt Disney avait à l’époque mis en avant le pouvoir des genres de l’imaginaire et du fantastique sur l’inconscient collectif.
En 1937 l’Amérique sortait à peine de la Grande Dépression, celle-ci avait impacté le territoire et l’économie du pays à tous les niveaux.
Elle s’était même étendue bien au-delà des frontières
des États-Unis au point que certains la voient comme l’une des principales causes de la Seconde Guerre Mondiale.
Disney estimait alors que le peuple américain, et le monde, avait besoin de rêver à nouveau, tout comme à l’époque des débuts du cinéma.
Il voyait l’animation comme la technique idéale pour stimuler l’imaginaire des spectateurs, raison pour laquelle il décida de privilégier des récits fantastiques plutôt que des histoires trop ancrées dans notre réalité.
Le dessin a cette possibilité de distordre la réalité pour lui donner une autre forme sans cependant totalement s’en éloigner.
Walt Disney l’a très bien compris et utilise le plein
potentiel du dessin à travers chacune des séquences du film. Les scènes horrifiques sont parmi les plus angoissantes de l’époque et épousent parfaitement l’aspect fantastique de l’œuvre originale ; les séquences plus légères, elles, offrent de véritables moments oniriques qui
deviennent presque un nouveau film au sein du film.
Que se soit les séquences chantées ou les moments drôles, le film fait un pas de côté le temps de quelques minutes pour proposer autre chose.
Cela permet d’expérimenter toutes les possibilités de l’animation, en dehors du réalisme de la narration principale, tout en développant les personnages à travers des monologues, souvent chantés, qui reflètent leur état
d’esprit.
L’animation permet en effet de développer des univers entiers par le dessin. Environnements, personnages, direction artistique, récit, musique… tous les paramètres filmiques sont pleinement contrôlés et modifiables par les équipes.
Ils proposent au spectateur une évasion totale par la force suggestive du dessin, une évasion pouvant aller bien au-delà de celle permise par les films en prises de vues réelles.
Au-delà d’une question de survie des studios, Walt Disney était persuadé que l’animation pouvait atteindre son plein potentiel à travers un long-métrage.
Cela lui permettait non seulement de transcender les scénarios, jusque-là rudimentaires, de ses court-métrages mais aussi de développer des personnages qui allait faire partie intégrante de la pop culture américaine.
Le film continua en effet d’être exploité au cours des deux années suivantes, comme prévu par Disney le film s’est très bien exporté.
Il fut doublé dans une dizaine de langue à travers le monde et a rencontré le succès dans tous les pays où il fut diffusé. Selon les dires de l’époque, chaque spectateur aurait ressenti une proximité avec le personnage de Blanche Neige.
Le personnage aurait été pensée pour représenter à la fois l’archétype de la mère, de l’épouse et
de la sœur, touchant ainsi chaque pan de la population.
Puisant son inspiration chez l’actrice Janet Gaynor, Disney cherchait à créer une princesse archétypale des histoires européennes.
Blanche Neige était ainsi en mesure de provoquer l’empathie pour son sort auprès de toutes les générations et auprès de toutes les cultures.
Cette ambiguïté sur le « rôle attribué » du personnage aurait aussi le désagréable effet de conquérir Adolf Hitler.
Celui-ci considéra en effet que le personnage vantait la littérature allemande et nordique, paradoxal quand on sait que la distribution du film en Allemagne fût interdite.
Au gré des ressorties successives de Blanche Neige et les Sept Nains mais aussi avec l’arrivée d’une flopée d’autres productions, les personnages Disney allaient avoir un impact
considérable sur la pop culture dans les décennies à venir.
Ce sont eux qui allaient faire entrer Walt Disney dans la légende…